SIGNAL BRUIT

ISBN : 9782846263894
Catégorie associée
Comics
⧫ Editeur : DIABLE VAUVERT
Introduction à l'édition originale, par Jonathan CarrollQuand j'étais professeur, une des premières choses que je disais chaque année à mes étudiants était de ne jamais, jamais lire une introduction avant d'avoir lu le livre. Pour une raison perverse, le préfacier ne manque jamais de vous raconte...

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Date de parution : 24/11/2011

17,00 €
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Introduction à l'édition originale, par Jonathan Carroll

Quand j'étais professeur, une des premières choses que je disais chaque année à mes étudiants était de ne jamais, jamais lire une introduction avant d'avoir lu le livre. Pour une raison perverse, le préfacier ne manque jamais de vous raconter l'intrigue («Après qu'Anna Karénine se jette devant le train...»), ou vous parle de personnages et de situations avec lesquels vous n'êtes pas familiers car, merveille des merveilles, vous n'avez pas encore lu le livre. Comme j'ai le plus grand respect pour Gaiman et McKean, j'ai préféré offrir à la place une introduction invisible. Vous pouvez la lire sans vous inquiéter de ce qui est écrit ci-dessus. D'entrée de jeu, je vous dis que ceci n'est que de la gratitude envers deux personnes qui font quelque chose d'aussi dangereux que nécessaire. Comme les chirurgiens ou les astronautes, comme les nouveaux amants.
Les collaborations sont difficiles et fourbes. D'autant plus lorsque plusieurs sensibilités véritablement originales oeuvrent à un unique projet. Le seul souci que me pose le travail de ces deux hommes est que tous deux sont si bons dans ce qu'ils font que je me retrouve souvent à lire sans regarder, ou l'inverse. Et c'est injuste, car un conte comme Signal/Bruit exige que le lecteur prenne tout d'un seul coup avant de passer à la suite. Tous ces mots et ce funeste qui nous égratignent, toutes ces images sans précédent qui sont comme autant de hiéroglyphes du présent. Comparez cela à une bonne vieille lanterne magique à deux lentilles. En soi vous avez une carte avec «seulement» deux images. Glissez-la dans le bidule et, si vous regardez correctement, vous obtenez de la magie, une vision hors de l'ordinaire. La vision est le mot clé ici. Pas le bruit. Le titre lui-même est contradictoire, aujourd'hui nous sommes entourés par tant de bruit qu'il devient virtuellement impossible d'y détecter un quelconque signal. Et quand bien même nous parviendrions à nous y orienter, puis à trouver ou à reconnaître les vrais signaux, saurions-nous y répondre? A quoi peut bien servir une quête si nous sommes incapables de reconnaître le but quand nous l'atteignons? Je vais tricher un peu et vous dire ceci: Signal/Bruit traite d'un réalisateur qui, lorsqu'il apprend qu'il est atteint d'une maladie mortelle, décide néanmoins de continuer à travailler sur son projet jusqu'à son dernier souffle. Que sommes-nous censés retirer de ça? L'esprit indomptable de l'humanité? Ou son envers moche - la vie est une pute, puis on crève? Seule compte la quête, ou bien toute quête est échec?
Le critique Robert Harrison a dit, «Un bon guide doit vous mener à des lieux et vous laisser à la porte, à des listes d'endroits où certains types d'expériences peuvent être vécus. Si vous lisez vous ne voyez pas, et inversement. Les voyageurs ne devraient lire qu'à la nuit tombée.» (Robert Harrison, Eccentric Spaces) Ce qui me laisse sans voix, c'est que des virtuoses tels que Neil Gaiman et Dave McKean font les deux. Ils nous emmènent quelque part, puis nous conduisent en nous montrant que regarder. Il se pourrait bien qu'ils créent les guides ultimes pour notre quête et notre époque, les plus nécessaires.
On a beaucoup écrit dernièrement sur la nouvelle maturité des comics, mais c'est une expression impropre. Les comics ont toujours eu pour intention de divertir. Signal/Bruit ne divertit pas. Il gratte, il provoque, il effraie. Il vous dit des choses que vous ne voulez pas savoir avant de vous retourner en vous demandant d'y regarder de plus près pour voir l'émotion, la beauté d'une lumière qui danse sur l'arête de la vie, une vérité aussi simple et directe que la mort. Ce n'est pas un «comic». Ce n'est pas un «roman graphique», le terme en vogue ces temps-ci et qui ne manque jamais de me rappeler les magazines sexy que des gens lisent d'un oeil absent dans des bus en Italie ou en Espagne. J'aimerais que quelqu'un aille chercher un peu plus profond et en rapporte un nom convenable.
Car faire l'expérience de ces travaux est comme passer un mois dans les hauteurs des Alpes. Vous en revenez plus mince, plus fort. Vous êtes accoutumé au silence et avez ainsi appris l'existence d'une voix intérieure qui vous parlait depuis longtemps, urgente et ignorée. Vous tolérez moins le bruit blanc du monde, mais ce sera un atout. Dans les premières pages de cette histoire, un médecin dit au mourant, «Tu dois nous laisser t'examiner - tu dois nous laisser te soigner.» L'homme rechigne, mais quiconque lit Signal/Bruit a déjà commencé le traitement.

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