SEMELLES AUX VENTS

ISBN : 9782723494427
⧫ Editeur : GLENAT
Le lieu d'où je parleL'horloge de la cathédrale égrène ses dix coups lorsqu'en ce mercredi 12 mai 2011, une voiture longe lentement les remparts d'Avignon, cherche une place, hésite, repart, puis enfin stationne presque à regret devant le célèbre pont. Ses trois occupants en descendent, Raymond l...

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Date de parution : 13/03/2013

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Le lieu d'où je parle

L'horloge de la cathédrale égrène ses dix coups lorsqu'en ce mercredi 12 mai 2011, une voiture longe lentement les remparts d'Avignon, cherche une place, hésite, repart, puis enfin stationne presque à regret devant le célèbre pont. Ses trois occupants en descendent, Raymond le conducteur, Claude l'accompagnateur et moi-même. Je prends dans le coffre un grand sac à dos, que je charge immédiatement sur mes épaules. Les paroles se font rares. Après quelques photos au milieu des lavandes, le pont en toile de fond, mes deux amis m'encouragent une dernière fois dans un enthousiasme trompeur qui masque mal leur inquiétude (ce qu'ils me confirmeront au retour). Ils reprennent leur véhicule et s'éloignent, me laissant maintenant seul face à mon destin. Toute l'impatience de ces dernières semaines s'évanouit au premier pas.
Je suis au pied du mur, un pont en l'occurrence, mais pas n'importe quel pont, l'ouvrage le plus ancien construit sur le Rhône entre Lyon et la mer au XIIe siècle: le pont Saint-Bénezet, du nom d'un berger qui, paraît-il, entendit la voix de Dieu lui disant: «Bénezet, prends ta houlette, descends jusqu'en Avignon et dis-leur de construire un pont.» Ce qu'il fit.
En ce matin de mai, sous un ciel peu avenant, aucun chanteur n'entonne la célèbre comptine «Sur le pont d'Avignon, on y danse, on y danse...» pour m'encourager. Je tourne le dos à ce pont légendaire et m'élance pour enjamber le Rhône sur le pont de l'Europe - tout un symbole. Une enfilade de rues me permet de traverser Villeneuve-lès-Avignon, ses riches façades, ses nombreux monuments historiques et son agitation. Piéton au milieu des passants, je suis surpris par le regard inquiet d'une femme tenant un enfant par la main: elle me regarde, l'air horrifié, et s'empresse de tirer brusquement son enfant et d'accélérer le pas. Est-ce un signe que l'on veut m'envoyer? Un mauvais présage? Sous mon apparence décontractée, je ne fais pas le malin, je suis encore fatigué suite à une mauvaise grippe qui m'a obligé à repousser le départ. Par honnêteté envers vous, amis lecteurs, en ce début de récit, je dois vous confier que je suis très croyant et que, pour moi, il n'y a pas de place au hasard. Vous imaginez donc mes pensées en voyant cette femme s'éloigner, l'air catastrophé. Que cela pouvait-il signifier? C'est en pleine interrogation que je m'éloigne de Villeneuve et que je m'engouffre dans un petit chemin où mes pieds revivent, tellement ils sont heureux d'en finir avec l'asphalte et de retrouver la terre! Après avoir repéré une petite table et son banc, implantés au milieu de la garrigue, je m'attaque à mon premier pique-nique - oeufs, jambon, fromage et fruits - préparé chez moi avant de partir. Par précaution, j'ai prévu le ravitaillement pour deux jours. Je suis bientôt rejoint par un vététiste qui me demande s'il peut profiter de la table. Il ne tarde pas à me demander où je vais avec mon grand sac, et lorsque je lui réponds «Calais», il n'est pas plus étonné que cela ou, tout simplement, me prend-il pour un doux dingue. Au-dessus de nos têtes, sur la colline, une étrange habitation pointe son toit.
«Vous savez ce que c'est? demandai-je
(...)

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