Extrait de l'introduction
«Ceux qui jouent avec des chats doivent s'attendre à être griffés.»
Miguel de Cervantès (1547-1616)
L'Homme hégémonique est sans nuance. Superbe d'arrogance et de prétention, il déstabilise en quelques centaines d'années à peine le fragile équilibre du vivant né du néant. Il est un lieu où l'Homme n'est plus ce dieu autoproclamé qui dicte sa loi, un lieu qui impose l'humilité, un lieu qui dépasse l'entendement humain et qu'il ne pourra asservir. C'est un monde minéral fait de rumeurs, de grondements, de halètements, de suintements, de fragrances délétères, d'enfantements monstrueux, de sols incertains, de trous béants fumants, de langues de feu fluentes, de bubons monstrueux expectorant chaos et mort. Depuis les origines de l'humanité, c'est la demeure de dieux despotiques et de leurs avatars, perfides, sanguinaires et féroces, le royaume de déesses possessives et lascives, colériques et lubriques. De ce pandémonium naît un monde dévasté. C'est la demeure de l'ombre, du caché, de l'infranchissable, de l'instable, du malheur qui survient. C'est un monde sans repère, miroir de nos angoisses. C'est un monde viscéral qui s'épanche sans pudeur, que l'on refuse de voir et qui soudain s'étale, se montre, s'expose, s'impose. C'est le passé qui surgit, intemporel. C'est l'impermanence dans la continuité. C'est la pierre qui soudain se meut. C'est l'instant dans toute sa richesse.
L'Homme a depuis toujours été fasciné par la beauté hypnotique des volcans. Il y a d'abord vu la demeure de dieux qui jugent et qui punissent, puis, quand la raison l'a emporté sur la croyance, quelques curieux et téméraires ont entrepris d'affronter l'ignorance. La volcanologie était née. Depuis, les scientifiques écoutent la Terre, l'auscultent, l'appareillent, appréhendent les grands mécanismes qui la régissent et sont capables, par déduction, d'en expliquer son fonctionnement interne. Mais les moyens d'investigation de nos technologies avancées s'arrêtent aux soupiraux que sont les volcans sur la peau de la Terre. Impossible d'aller plus profondément dans ses entrailles. Les éminents spécialistes que sont les volcanologues travaillent, pour l'essentiel de leur temps, à modéliser les phénomènes rencontrés sur le terrain, dans les laboratoires ou les observatoires volcanologiques. Ils en tirent des conclusions qui permettent de comprendre, et de prévoir parfois, où, quand et pourquoi surviendra une prochaine éruption. Ces chercheurs peuvent être attachés, tout au long de leur carrière professionnelle, à un seul et même volcan, sur les mille cinq cents potentiellement actifs recensés sur notre planète.
Pourtant, il arrive que des hommes refusent de suivre les routes déjà tracées par leurs prédécesseurs. Ces anticonformistes préfèrent les voies difficiles de la liberté d'agir, de penser, de s'exprimer. Ils sont le plus souvent considérés comme des marginaux excentriques, peu crédibles car en dehors de tout système, et surtout non contrôlables. Leurs actions sont alors analysées, disséquées, jugées, souvent avec férocité. Ces «anarchistes de la science» troublent l'ordre du monde de la recherche, alors qu'ils portent simplement un regard différent.