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UN AUTRE SOMMET
Jiro TANIGUCHI
La montagne est couverte de neige. Mon souffle est blanc. Je progresse pas à pas, tranquillement, à mon rythme. J'ai chaussé les raquettes, mais je m'enfonce jusqu'aux genoux. Personne n'a encore foulé ces neiges éternelles. Il n'y a même pas la moindre empreinte d'animal. Voici longtemps que je n'avais pas éprouvé une telle sensation de liberté.
J'observe le ciel. Ce bleu limpide semble si haut. Quelques nuages fins, comme s'ils avaient été tracés d'un coup de brosse. J'aperçois un oiseau. Ce n'est qu'une silhouette, mais je devine qu'il s'agit d'un aigle huppard. Porté par le vent, il tournoie en décrivant de grands cercles, probablement à la recherche d'une proie dans cette vaste étendue enneigée.
En le regardant, je me sens moi-même devenir un oiseau. J'essaie d'imaginer ce que ça doit être. Libéré de la pesanteur, je flotte dans les airs. De là-haut, je contemple «à vol d'oiseau» la chaîne alpine.
Quel splendide enchevêtrement de lignes argentées! Un instant, je manque d'être aveuglé par la blancheur étincelante des neiges éternelles.
La montagne est encore plus belle, plus grandiose lorsqu'elle est enneigée.
Au-delà d'une butte, j'aperçois une forêt de conifères. Dans le silence, je tends l'oreille. J'affine mon regard. Je scrute. Quelque chose a bougé à la lisière de la forêt. Quelque chose de blanc. D'un blanc éclatant. Ce quelque chose se confond avec la neige. C'est le même blanc. Un lièvre variable. «Lièvre». Quel drôle de mot Qui a bien pu l'inventer? Suffit-il que quelqu'un décide d'appeler quelque chose par un nom pour que tout le monde s'aligne? Les mots sont vraiment mystérieux.
L'aigle huppard qui plane dans le ciel cherche deux yeux. Il fouille du regard l'étendue blanche pour dénicher le lièvre qui aura oublié de les fermer.