
LE PETIT BLEU DE LA COTE OUEST
Arrêt de commercialisation
Il est trois heures du matin.
Georges roule à 145 Km/h sur le boulevard périphérique après avoir bu cinq verres de bourbon Four Roses.
Le fait qu'il ait tué au moins deux hommes au cours de l'année n'en n'est pas forcément la raison.
Tardi et Manchette, c'est une vieille histoire.Ils s'étaient rencontrés dans ces années 70, décennie tout à la fois exaltante et déprimante, entre espoirs fous et gueule de bois après une fête trop arrosée. Tardi et Manchette avaient raconté leur vision des années 70 dans Griffu, un roman noir, très noir, sombre et tendu comme savait l'être l'époque.
Dix ans après la disparition de Manchette, Tardi se plonge à nouveau dans l'oeuvre de l'écrivain. Premier de trois romans de Manchette que le dessinateur projette d'adapter pour les Humanoïdes Associés, Le Petit Bleu de la côte Ouest, paru en 1976, est une sorte de road-movie qui trimballe le héros du périphérique à la forêt de la Vannoise. Quoique Gerfaut n'a rien d'un héros, il se contente d'incarner une réalité sociale typique de la fin des trente glorieuses : le fameux "malaise des cadres".
Avec ce Petit Bleu, Tardi fait du... Tardi, et du meilleur. Adepte d'un réalisme social rendu encore plus aigu par la sobriété de son noir et blanc, il adapte avec rigueur et fidélité le roman de Manchette. Il reprend au mot près le texte de l'écrivain, sec et tranchant comme un slogan révolutionnaire. Quand Gerfaut boit son café en lisant France-Soir, c'est tout le septennat Giscard qui défile sous les yeux du lecteur. Trente ans après, le regard de Manchette est rendu encore plus vivant par le trait de Tardi.