MACHINAL Il existe une catégorie de gestes quotidiens, si petits qu'on les remarque à peine, mais qui présentent la particularité de se retrouver chez l'humanité entière. Comme les tics, ce sont des gestes inutiles mais qu'on ne peut se reteni...
Il existe une catégorie de gestes quotidiens, si petits qu'on les remarque à peine, mais qui présentent la particularité de se retrouver chez l'humanité entière. Comme les tics, ce sont des gestes inutiles mais qu'on ne peut se retenir défaire, et tellement insignifiants que ça serait idiot de s'en priver. Observons l'homo sapiens sapiens pendant qu'il ne nous regarde pas.
Crever
La plupart du temps, ces gestes sont associés à un objet, une matière, ou une situation précise. Exemple : dans les objets industriels récents qui se sont répandus sur la planète, vous avez ces emballages anti-chocs transparent composés de bulles d'air enfermées dans des sphères de plastique souple. Vous trouvez ce produit d'emballage sur tous les continents, de l'Europe à l'Antarctique. Eh bien, sur tous les continents, de l'Europe à l'Antarctique, les homos sapiens, aux mains désoeuvrées, mis en présence de cette matière, ne peuvent s'empêcher de la saisir et d'en crever quelques bulles, c'est incoercible. À 95%, ce geste est machinal, c'est-à-dire qu'il est à peine conscient, qu'on l'exécute en pensant à autre chose, en parlant ou en regardant la télé, mais vous trouvez des personnes chez qui la pulsion d'éclater les bulles en plastique devient un plaisir, une vraie drogue, qu'elles recherchent avec une intention consciente. Elles sautent sur le moindre bout d'emballage à bulles qui traîne, en crèvent les alvéoles avec une attention méthodique et ne le lâchent que lorsque toutes les bulles sont crevées, clac clac clac, si le bout d'emballage mesure deux mètres carrés, on est tranquilles pour un moment.