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Postface
Il y a tant de raisons pour lesquelles ce livre existe. L'une d'elles tient aux morts inutiles de personnes que j'aimais. Ce livre est écrit en leur mémoire et en celle de beaucoup d'autres gens qui devraient toujours être parmi nous. Étant donné le nombre ahurissant de personnes tuées dans des accidents chaque année sur cette planète, vous avez probablement votre propre liste. Voici la mienne:
Ma soeur Marsha Phoenix, qui devrait encore arpenter ce monde, être occupée à inventer des moyens révolutionnaires pour communiquer avec les baleines et les dauphins et à m'envoyer des cartes postales d'endroits que je ne verrai jamais. Elle est morte dans un accident à Deal quand elle avait onze ans.
Andy Roberts, toujours vêtu de tee-shirts ridiculement ultraminces, qui devrait encore faire des rapports, écrire des manifestes, dessiner des bandes dessinées et discuter de dialectique, comme une entreprise artistique à lui tout seul. Il est mort en traversant une rue à Hackney.
Kelly-Anne Brash, une fille douée, curieuse, qui allait surprendre tout le monde. Elle est morte dans un accident près de Liverpool.
Sylvia Weil, qui est restée dans le coma pendant des semaines et des semaines dans un hôpital en Nouvelle-Zélande après avoir été jetée à bas de sa bicyclette par un conducteur inattentif qui roulait au moins à 80 km /h. Elle s'est réveillée avec des dommages au cerveau qui ont sérieusement altéré sa vie. Mais au moins elle s'est réveillée. Un point pour notre camp.
Une autre raison, c'est que mon sang s'est mis à bouillir quand j'ai lu une publicité pour la plus grosse camionnette au monde.
Sans aucune trace d'ironie, elle disait que cet engin non seulement attirerait l'attention générale, mais l'exigeait, avec sa cabine culminant à trois mètres de hauteur que les enfants allaient regarder avec un respect teinté d'effroi. Au cas où vous vous seriez senti insuffisamment intimidant, vous étiez encouragé à l'utiliser comme un panneau d'affiche d'autopromotion, qui vous aurait hissé au-dessus de tout le monde dans la rue. Apparemment, quand vous avez un message à hurler, une très grande feuille de papier ne suffit pas. Le crier en usant de votre propre voix, comme un être humain? Pfff. Ça ne rivalise pas avec ces déclarations définitives prononcées depuis un intérieur en cuir customisé avec des garnitures en bois, un lecteur de dvd et toutes sortes d'autres systèmes super. Parce que ce qui importe vraiment, c'est de laisser l'assistance bouche bée.
Peut-être reste-t-elle muette parce qu'elle est choquée, en rage. Qui, au juste, a besoin de ce que vend cette publicité? Je sais, c'est une question naïve et risible. Il ne s'agit évidemment pas de nécessité. Tout ce que je sais, c'est que si ma tante Janet, qui marche lentement, devait être renversée à un passage pour piétons par un idiot inattentif conduisant tout en envoyant un texto ou en s'ingéniant à siroter un lait caramélisé à la cannelle sans le répandre, ses chances de survie seraient très supérieures si l'idiot en question conduit une Mini plutôt que l'ultime Gigantidon ultrapuissant qu'on peut conduire avec deux doigts afin de disposer des autres pour des activités plus palpitantes. Donc, voilà une autre raison pour avoir écrit ce livre.
Deux raisons supplémentaires étaient Corinne Pearlman et Candida Lacey, de Myriad Editions. Vous n'auriez pas lu ces mots et ces images si elles ne m'avaient offert la possibilité de réaliser quelque chose de différent, fait confiance quand je ne pouvais pas encore expliquer ce que ce serait au juste et si elles ne s'étaient pas abstenues de froncer les sourcils (enfin, pas trop) quand je leur ai apporté... ceci. Pardon pour le choc. Merci à toutes les deux pour avoir piloté depuis le siège arrière et regardé par-dessus mon épaule.