GRAIGALLAN
LODGE
le 5 décembre
Mon Très Cher Francis,
Je viens de recevoir votre lettre datée du 4 décembre et j'y réponds aussitôt, tant j'ai été touché de l'intérêt que nous portent encore nos vieux amis. J'en avais presque oublié notre Club, depuis ma retraite ! Ainsi ce sont les membres qui ont décidé de nous réunir pour fêter la nouvelle année et nous honorer ?
By Jove, mon vieux compagnon, depuis combien de temps ne nous sommes-nous plus serré la main ? Les lettres que nous échangeons rituellement, les croquis qui les accompagnent, les photographies parfois, tout cela n'a jamais remplacé la chaleur de notre amitié alors que la jeunesse nous permettait l'aventure ! Si j'ai bien compris, les membres de notre Club ont préparé sous cape une des réceptions dont ils ont le secret ! Discours, médailles, panégyriques... Et je gage que nous devrons leur distiller une petite allocution, à moins, à en juger par les prévenances dont vous avez entouré votre lettre, que nous ayons été chargés d'un travail plus conséquent ? C'est bien cela, n'est-ce pas ? Nous allons renouer avec notre séculaire tradition... Tradition qui consiste en la présentation de ce que nous appelons une "planche", une épure tracée sur un sujet que notre cher Club ne va pas tarder à nous communiquer. Mais peut-être en connaissez-vous déjà la teneur et me préparez-vous, selon vos manières de faire qui n'ont certainement pas changé avec l'âge ? Vous vous êtes dit que pour sortir de sa tanière ce vieux solitaire de Philip Mortimer, vous deviez entreprendre des travaux d'approche de Sioux ! Ou d'excellent camarade anglais, attaché à nos bons principes... Allons, Mon Très Cher Ami, ne tardez plus.
J'attends avec impatience votre prochain courrier. La campagne est triste en ce moment. Triste mais si belle avec sa fine pluie et ses longues brumes qui ne quittent plus le fond de mon jardin. Savez-vous que je ne discerne plus les deux tours de Cross-Mary depuis une semaine ? Cela me manque un peu, je l'avoue.
Leur absence me conduit à la mélancolie car elle me rend impatient. Je me dis que la mort est peut-être là, m'attendant juste avant le printemps. Je voudrais tant partir un jour de lumière ! Je vous en prie, Francis, écrivez-moi vite; l'idée de nous revoir au Club, à Londres, me rajeunit de dix ans.
Pensez-vous que les nouveaux membres sauront être indulgents avec des antiquités telles que nous ?
Votre ami Philip